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Introduire l’éthique végétale dans le contexte de l’agriculture suppose de passer d’une compréhension discursive à une raison pratique, de l’éthique déontologique à l’éthique des vertus. Une première étape est de mesurer les obstacles qu’introduit la modernité dans la pensée éthique elle-même, sous la forme d’a priori utilitaristes et moralistes : l’agriculture serait intrinsèquement instrumentale, se nourrir serait un acte de prédation, et une éthique végétale aurait vocation à normaliser l’action humaine. Ces a priori reposent sur une pensée généraliste décontextualisée, qui tend à occulter la multiplicité des agricultures, des modes de relation au vivant et des situations concrètement vécues. Pour y remédier, il est nécessaire de s’écarter d’un solutionnisme global et de renforcer le socle des vertus, initialement laissées à l’écart des réflexions environnementales. J’aborderai trois aspects de cette démarche, en m’appuyant sur le projet PlantCoopLab qui étudie les relations de coopération avec les plantes dans les activités de production nourricière. 1/ La vertu prouve son excellence, non en général mais en particulier : il importe donc de s’intéresser aux marges dans lesquelles les agricultures écologisées s’inventent à partir d’initiatives singulières. 2/ La vertu est exemplaire, elle ne reste jamais isolée et participe de l’action collective : il est donc essentiel de la considérer, non comme une nécessité privée, mais comme une question d’intérêt public. 3/ La vertu confère un « devenir-moral » à autrui dans l’acte de coopérer : le travail agricole et ses vertus ne pouvant être dissociés du « travail » (ou agentivité) des plantes, ceci conduit à élargir la compréhension de l’agir moral en la situant d’emblée au sein de communautés interspécifiques et à concevoir de nouvelles formes instituantes, telles qu’un « Parlement des plantes ».